Fake news idéologiques sur l’inutilité de la fermeture des frontières face au COVID-19

La fermeture des frontières ne servirait à rien.

Le 17 mars, l’ancien directeur général de la Santé William Dab — il l’avait été pendant la crise du SRAS — était interrogé par Michel Cymes sur l’utilité de la fermeture des frontières. Dès le départ, le ton était donné. Michel Cymes, animateur du service public et donc théoriquement astreint à la neutralité, peinait à cacher son parti-pris idéologique de citoyen du monde : « On a vu ces derniers jours les pays qui s’enfermaient, qui fermaient leurs frontières — est-ce qu’on peut fermer une frontière déjà [haussement de sourcils complice de William Dab] — pour essayer d’éviter que d’autres virus ne rentrent. Je suis peut-être un peu idiot mais le virus est déjà là, quel est l’intérêt de fermer des frontières si le virus est déjà chez nous ? »

Frontière, le mot fâcheux était lâché, on sentait déjà les relents nauséabonds des périodes les plus sombres. Tant pis pour Régis Debray et son éloge des frontières qui régulent — sans interdire de façon permanente comme les murs — les échanges avec l’extérieur, et protègent tout organisme vivant au même titre que la peau.

Le concept de frontière est tant démodé qu’il semble inenvisageable à Michel Cymes de les contrôler. On se demande bien comment il passe lors de ses voyages d’un pays à l’autre sans utiliser les avions, les trains ou les routes.

William Dab, pourfendeur de la peste brune en embuscade lui répond : « Vous n’êtes pas idiot Michel. [Rires d’autosatisfaction] Cette décision est de nature politique. Elle n’a aucun fondement épidémiologique. Un article publié dans l’excellente revue Science, la revue américaine la plus réputée du monde, hier montre que la fermeture des frontières chinoise n’a eu qu’un effet extrêmement limité sur la propagation du virus. »

Personne ne l’interrompt pour lui faire remarquer que cette fermeture a eu lieu bien après la détection des premiers cas à Wuhan, passés sous silence par l’appareil d’État communiste. William Dab poursuit son cours magistral — accrochez-vous, le niveau scientifique est élevé : « Alors évidemment on pourrait demander au virus de faire une demande de visa. Ça aiderait. Mais le virus est malin, il ne va pas faire de demande de visa. Alors quand on ferme la frontière on crée peut-être une réassurance psychologique, mais personnellement je pense que c’est dangereux, parce qu’on fait croire que le danger vient de l’extérieur. C’est ce que le président Trump veut faire croire aux Américains. Mais le danger il est déjà chez nous. Donc ça sert à rien de se protéger des autres. Au contraire nous devons être solidaires. »

Si la décision prise par Emmanuel Macron était purement politique, qu’en est-il de la réponse du Pr Dab ? Que vient y faire le président Trump ? Faut-il que William Dab prenne pour des idiots ceux qui ne seraient pas d’accord avec lui pour leur asséner une réponse infantilisante, moqueuse qui personnifie le virus.

Alors qu’il a lui-même reconnu dans un autre entretien que l’intensification des échanges internationaux était une des conditions de cette pandémie, faut-il que William Dab soit aveuglé par le politiquement correct ou le désir d’abolition des frontières pour ne pas voir que c’est précisément parce que le virus n’est pas doué de conscience et d’autonomie, et qu’il est transporté par des êtres humains devant faire des demandes de visa et passer des contrôles aux frontières, que la fermeture des frontières est une réponse logique et évidente si elle est réalisée assez tôt.

Ce qui est dangereux en réalité, n’est-ce pas de dire que « ça ne sert à rien de se protéger des autres », alors que la distanciation sociale et que le confinement généralisé restent nos dernières chances ? Ce n’est pas la première fois qu’on veut faire croire au plus grand nombre, contre tout sens commun, que les menaces s’arrêteraient naturellement aux frontières nationales, tel le nuage radioactif de Tchernobyl. Alors les règles de confinement s’apparentent à la mise en place de millions de frontières intérieures, il apparaît que la frontière gêne plus particulièrement lorsqu’elle se situe à l’échelon national. C’est le concept même de nation qui est jugé révolu, si ce n’est fasciste, et qui est attaqué par les chantres du mondialisme et du communautarisme.

Michel Cymes renchérit : « Et tous les épidémiologistes que j’ai eus au téléphone ont a priori le même raisonnement que le vôtre. » William Dab confirme : « Là nous sommes dans un domaine où vous aurez relativement peu de querelles d’école entre les épidémiologistes. Nous travaillons sur des données, vous comprenez… C’est pas des opinions. » On croit entendre les mêmes gages supposés de neutralité donnés par les praticiens de la sociologie. Si la nécessité de l’ouverture à l’autre, la solidarité, la critique de décisions politiques, sont des données et non des opinions, cela fait de l’épidémiologie une science politique, ontologiquement orientée et critiquable.

On voit bien ici comment le vocabulaire scientifique, la complicité politique avec les médias et l’argument d’autorité peuvent être utilisés pour couper court à toute contre-argumentation, et clore le débat sans s’astreindre à rentrer dans le fond du sujet et à donner de réelles justifications.

Faisons-le, ce débat qui n’est pas permis à l’antenne entre gens de bonne compagnie. On peut tout à fait comprendre, avec une once de bon sens mathématique, qu’une fois l’épidémie installée sur l’ensemble d’un territoire national, l’entrée de personnes contaminées depuis l’étranger ne modifie la dynamique que marginalement. Néanmoins se cantonner à cette réponse, et l’essentialiser indépendamment des multiples variables, c’est passer outre trois points :

— l’efficacité de cette stratégie lorsqu’elle est appliquée au plus tôt,

— sa vertu d’exemple dans un contexte de limitation maximale des déplacements,

— le possibilité d’un ralentissement de la progression du virus, et donc la réduction même à la marge de la charge sur le système de santé, alors que chaque lit libéré peut éviter une mort collatérale et sauver une vie.

Lors de l’apparition des tous premiers cas en France, par exemple lorsqu’un ressortissant anglais avait contaminé un ensemble de personnes en Haute-Savoie et créé un « cluster », il est était encore possible de tracer les contaminations et placer les personnes en quarantaine. Si les frontières avaient été fermées immédiatement, non seulement avec la Chine, l’Italie et l’ensemble des autres pays, et que seuls les ressortissants français avaient eu le droit de revenir après passage en quarantaine, alors le pays aurait eu une chance d’être épargné et les quelques cas marginaux ayant pu passer entre les mailles du filet auraient pu être circonscrits. Les premières informations sur le virus avaient été communiquées par les Chinois et il était possible de prendre cette décision courageuse mais nécessaire. L’économie aurait certes été impactée par cette décision, mais beaucoup moins qu’actuellement car l’activité et les déplacements à l’intérieur du pays auraient pu se poursuivre.

Néanmoins, le 25 février, le nouveau ministre de la Santé Olivier Véran se payait de mots alors que la crise explosait en Italie : « Il n’y a pas lieu de fermer des frontières entre nos pays, ce serait disproportionné et inefficace. […] En période de crise, il y a des gestes, des réflexes normaux qui se veulent protecteurs. Le repli, les tensions entre voisins ne doivent pas en faire partie. La solidarité, la transparence, le sens des responsabilités sont protecteurs. »

L’argument de l’impossibilité technique a souvent été utilisé, sans jamais être détaillé. Ainsi le Dr Isaac Bogoch, spécialiste des maladies infectieuses à l’hôpital de Toronto, indique-t-il : « Restrictions ou pas, les gens trouvent toujours un moyen de se rendre à leur destination. » Voilà une belle généralité, émise par un spécialiste en maladies infectieuses et non en gestion des frontières, qui ne prend pas en compte la possibilité de faire peser des amendes très lourdes. Dans le même article, Emanuele Massaro, chercheur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, explique que fermer les frontières « n’est pas possible. Et même si nous faisions cela, le fonctionnement socio-économique de nos sociétés s’effondrerait. » Un choix de mots intéressant qui révèle que ce qui est impossible est en fait possible, mais qu’altérer le fonctionnement de l’économie est une frontière que se refuse à franchir le chercheur.

On peut comprendre qu’il aurait été plus difficile de faire accepter une telle décision tant qu’il n’y avait pas de malades, mais c’est bien ce qui différencie la prise de responsabilité de l’attentisme. Par ailleurs, la volonté de faire passer l’économique en priorité dans une vision ultra-libérale à court terme pénalisera lourdement l’humain mais aussi l’économique à moyen et long terme. On finit toujours par payer, avec des intérêts très lourds, les économies de queue de chandelle : le maintien du statu quo de crainte de perdre quelques points de croissance, l’arrêt du renouvellement des stocks de masques FFP2, les coupes budgétaires dans le système de santé, la dépendance envers d’autres pays pour des matériels stratégiques.

La solution viendrait de l’Europe.

La fermeture des frontières au niveau européen montre l’attachement utopiste du président Macron à une Europe unie uniquement en apparence, alors que chaque pays européen gère la crise égoïstement pour protéger son économie, ses habitants, ses stocks de masques et ses développements d’antidotes. Le gouvernement français n’a-t-il pas persiflé, notamment par la voix de sa porte-parole Sibeth Ndiaye — menteuse assumée — sur les actions inefficaces de l’Italie, alors qu’elle n’avait à ce moment-là pris aucune décision aussi dure, et que la courbe française de cas reproduit à l’identique la courbe italienne ?

Angela Merkel n’a-t-elle pas ordonné l’interdiction d’exportation du matériel médical, notamment de masques, levée seulement le 15 mars ? La République Tchèque n’a-t-elle pas purement et simplement volé des centaines de milliers de masques et des milliers de respirateurs envoyés par la Chine à l’Italie, qui transitaient par son territoire, et dont la destination ne faisait aucun doute ? Vanter les avantages de l’Union Européenne peut partir d’une bonne intention, mais vouloir plus d’Europe, pour combler les lacunes de ce goliath de bureaucratie détaché du réel et gangréné par les lobbys, c’est achever le malade tel Diafoirus prescrivant une saignée.

En privilégiant la fermeture de frontières extrêmement étendues et hors de notre maîtrise, incluant l’intégralité du nouvel épicentre de la pandémie selon les propres dires de l’OMS plutôt que de nous en couper, et en tardant d’autant plus qu’il fallait négocier collectivement hors de notre périmètre de souveraineté, l’exécutif français a laissé tomber son propre peuple, celui qu’il a le mandat de représenter et de protéger. Mais sans doute le monarque français se rêvait-t-il en empereur européen.

CQFD.

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